Une meilleure compréhension de l’effet des interventions sur les populations
du vecteur et du parasite causant la malaria, de l’immunité acquise, et du
fardeau de la maladie en général est nécessaire ; afin de mieux guider les
stratégies d’éradication de cette maladie dans les zones de forte endémie. Nous
avons surveillé et analysé les changements dans l’épidémiologie dans une
communauté du Sénégal, Afrique de l’ouest, pendant 22 ans.
Entre 1990 et 2012, nous avons effectué une étude longitudinale prospective
chez des habitants de Dielmo, Sénégal, dans le but d’identifier tous les
épisodes de fièvre et avons poursuivi les investigations permettant de définir
la relation entre l’hôte au parasite, le vecteur, et le parasite. Notre étude a
inclus une surveillance médicale quotidienne avec dépistage systématique du
parasite chez les sujets présentant de la fièvre. Nous avons mesuré la
prévalence du parasite quatre fois par an à l’aide d’enquêtes transversales. Nous
avons surveillé la transmission de la malaria tous les mois par capture
nocturne de moustiques. Le traitement de la malaria a évolué au cours de ces
années, en partant de la quinine (1990-1994), puis passant à la chloroquine
(1995-2003), l’amodiaquine plus sulfadoxine-pyrimethamine (2003-2006), et
finalement à l’artesunate plus amodiaquine (2006-2012). Les moustiquaires
imprégnées d’insecticide (ITNs) ont été introduites en 2008.
Nous avons surveillé 776 villageois âgés de 0 à 101 ans pour un suivi
évalué à 2 378 150 personnes-années. Le taux d’inoculation
entomologique s’est situé entre 142.5 piqûres infectées par personne et par an
en 1990 à 482.6 en 2000, et 7.6 en 2012. La prévalence du parasite chez les
enfants a baissé de 87% en 1990 à 0.3% en 2012. Chez les adultes, la prévalence
est passée de 58% à 0.3%. Nous avons enregistré 23 546 épisodes de fièvres
au cours de l’étude, comprenant notamment 8243 crises dues à Plasmodium falciparum, 290 dues à Plasmodium malariae, et 219 dues à Plasmodium ovale. Trois décès ont été
imputés directement à la malaria, et deux décès à des évènements indésirables
graves dus aux médicaments antimalariques. L’incidence des crises de malaria
est passée de 1.50 crise par personne et par année en 1990 à 2.63 en 2000, et à
seulement 0.046 en 2012. Les plus grands changements ont été attribués au remplacement
de la chloroquine et à l’introduction des ITNs.
Les politiques de contrôle de la malaria, combinant le traitement rapide
des crises et le déploiement d’ITNs peut pratiquement éliminer le transport du
parasite et fortement réduire le fardeau de la malaria chez les populations
exposées à une transmission pérenne et intense de la maladie. La baisse rapide
de l’immunité clinique permet un dépistage rapide et le traitement des
nouvelles infections et peut donc jouer un rôle clé dans l’efficacité soutenue due
à la combinaison d’un traitement à base d’artemisine et l’utilisation d’ITNs
malgré la résistance croissante aux pyrethroïdes. Dr Jean-François Trape MD et al,
dans The Lancet Infectious Diseases, publication en ligne en avant-première, 7 mai 2014
*paludisme = malaria (note du traducteur)
Financement : Institut Pasteur de Dakar et de Paris, Institut de
Recherche pour le Développement, et Ministère de la Coopération de France
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire