L’intensification des interventions basées sur l’utilisation
d’insecticides a permis d’éviter plus de 500 millions de cas nouveaux de
paludisme depuis l'an 2000. La croissante résistance aux insecticides pourrait
annoncer une reprise de la maladie et de la mortalité. Notre but était de poursuivre
des investigations visant à définir si la résistance aux insecticides était
associée à une perte d’efficacité des moustiquaires imprégnées d'insecticide à
action de longue durée et à une augmentation du fardeau dû au paludisme.
Cette étude prospective observationnelle internationale
de cohorte coordonnée par l’OMS* a été réalisée dans 279 groupes de population
(villages ou groupes de villages dans lesquels la résistance phénotypique était
mesurable) au Bénin, Cameroun, Inde, Kenya, et Soudan. Des moustiquaires imprégnées d'insecticide pyréthrinoïde à action de longue durée représentaient
la principale forme de contrôle du vecteur de la malaria dans toutes les zones
d’étude ; au Soudan, cette approche était complétée par des pulvérisations
intradomicilaires d’insecticide. Des cohortes d’enfants provenant de foyers sélectionnés
par tirage au sort dans chaque groupe de populations étaient recrutées et
soumises à suivi par des agents de santé communautaires pour mesurer l’incidence
de la malaria sur le plan clinique ainsi que la prévalence de l’infection. Les
moustiques ont été évalués quant à leur susceptiblité aux pyréthrinoïdes à l’aide
d’un bio-essai standardisé de l’OMS. Les résultats obtenus dans les différents
pays pris individuellement ont été mutualisés à l’aide de méta-analyses.
Entre le 2 juin 2012 et le 4 novembre 2016, 40 000
enfants ont été recrutés et évalués quant à l’incidence clinique au cours de
1.4 millions de visites de suivi. 80 000 moustiques ont subi des tests de
résistance aux insecticides. Les utilisateurs de moustiquaires traités aux insecticides
à longue durée d’action ont présenté une prévalence de l’infection plus faible
(rapport de cotes ajusté [OR] 0.63, Intervalle de Confiance [IC] 95% 0.51-0.78)
et une incidence de la maladie plus faible (ratio du taux d’incidence [RR] 0.62,
0.41-0.94) que chez les non-utilisateurs, à des niveaux très variés de résistance
aux insecticides. Nous n’avons trouvé aucune évidence d’association entre résistance
aux insecticides et prévalence (OR ajusté 0.86, 0.70-1.06) ou incidence (RR
ajusté 0.89, 0.72-1.10) de l’infection. Les utilisateurs de moustiquaires, bien
que significativement mieux protégés que les non–utilisateurs, étaient
néanmoins sujets à un risque élevé de paludisme (allant de d’une incidence moyenne de 0.023, [IC 95% 0.016-0.033]
par personne-année en Inde, à 0.80 [0.65-0.97]) au Kenya ; et une
prévalence moyenne d’infection allant de 0.8% [0.5-1.3]
en Inde à 50.8% au Bénin).
Abstraction faite de la résistance, les populations
vivant dans des régions ou le paludisme est endémique devraient continuer à utiliser
des moustiquaires traités avec des insecticides à longue durée d’action afin de
réduire leur risque d’infection. Du fait que les moustiquaires ne fournissent qu’une
protection partielle, le développement d’outils complémentaires devrait être
une priorité, dans le but de réduire le fardeau du paludisme qui reste à ce
jour à un niveau inacceptable. Prof Immo Kleinschmidt, PhD, et al, dans The Lancet
Infectious Diseases, publication en ligne en avant-première, 9 avril 2018
Financement : Fondation Bill
& Melinda Gates, Conseil de la Recherche Médicale du Royaume-Uni, et Département
pour le Développement International du Royaume-Uni.
Source : The Lancet Online / Traduction et
adaptation : NZ
*OMS = Organisation
Mondiale de la Santé