COVID-19 - Copyright: Ramon Andrade 3Dciencia/Science Photo Library |
En date du 11 août 2020, la Russie est devenue le premier pays au monde à approuver un vaccin contre le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SARS-Cov-2). Ce vaccin, fabriqué à partir de deux vecteurs adénovirus, a été développé par le Centre National d’Epidémiologie et de Microbiologie Gamaleya (Moscou, Russie). Son approbation a été annoncée par le Président Vladimir Poutine. « Je sait qu’il [le vaccin] est efficace, aide à développer une immunité solide, et qu’il a subi tous les tests nécessaires », à déclaré Poutine lors d’un conseil des ministres. Quoi qu’il en soit, cette approbation est prématurée, selon une opinion très répandue. Au moment de son approbation, non seulement ce vaccin n’était même pas entré en phase 3 d’essais cliniques, il n’avait, de plus, été l’objet d’aucune publication s’agissant des résultats obtenus lors d’essais cliniques de phases plus précoces.
Depuis lors, les résultats de phase 1/2 ont été publiés dans The Lancet. Ce vaccin a induit une forte réponse immunitaire chez les 76 participants à cet essai. De fait, le Ministre Russe de la Santé doit avoir eu accès à ces résultats. Du point de vue des autorités régulatrices comme la Food and Drug Administration (FDA) des USA et l’Agence Européenne du Médicament, les seules données de réponse immunitaire ne doivent pas, en général, représenter une base suffisante pour l’approbation d’un vaccin. « La réponse immunitaire peut ne pas être directement proportionnelle au degré de protection – il n'est permis de statuer [sur l’effet protecteur d’un vaccin]* qu'à la suite d’essais réalisés à grande échelle seulement », explique Peter Openshaw, professeur de médecine expérimentale à l’Imperial College de Londres (Londres, Royaume Uni).
Le vaccin Russe est nommé Spoutnik V, en mémoire au programme spatial de l’ère Soviétique. La fille du président a été vaccinée. « Elle se sent bien, et la concentration des anticorps est élevée » déclare Poutine. « La chose la plus importante est d’assurer que ce vaccin est d’une sûreté et d’une efficacité en toute situation ». Sa production massive devrait commencer en septembre 2020. La Russie, qui comptabilise presque 1 million de cas de COVID-19, annonce qu’elle sera capable de fournir 500 millions de doses de Spoutnik V par an.
« Nous ne savons absolument pas si ce vaccin est sûr, et s’il fonctionne » dit Ashish Jha, Doyen de l’Université de Santé Publique Brown (Providence, RI, USA). « Il est préoccupant de voir que l’on court-circuite les processus standard en vigueur de développement d’un vaccin ». Les personnes développant le vaccin Russe ont eu une réponse combative à ces critiques. Un site internet officiel a été construit avec pour but affiché de « produire une information précise et mise à jour en permanence sur le Spoutnik V et combattre la campagne de désinformation lancée par les médias internationaux contre lui ».
Le vaccin est financé par le Fonds Russe d’Investissements Directs (RDIF), il s’agit là d’un fonds sanitaire souverain dans ce pays. Kirill Dmitriev, Directeur Général du RDIF, s’est plaint : « au lieu de se pencher sur la science sur laquelle repose la pertinence de ce vaccin à vecteur adénoviral que la Russie a développé, quelques politiques et médias internationaux ont choisi prioritairement de saper la crédibilité du vaccin Russe ». Des essais cliniques de grande ampleur, impliquant plus de 40 000 sujets, vont être entrepris et commenceront au cours de la dernière semaine d’août. » Un bon nombre de pays comme les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, les Philippines, l’Inde ou le Brésil, se joindront localement aux essais cliniques Spoutnik V », a déclaré le site internet officiel.
Dimitriev a confirmé que la Russie avait reçu des demandes s’élevant à un milliard de doses de vaccin, au niveau international. Le 26 août 2020, l’agence de presse TASS a déclaré que le pays fournirait plus de 2 millions de doses de Spoutnik V au Kazakhstan. Openshaw souligne que ceux qui ont exprimé un intérêt pour ce vaccin ne commenceront à l’administrer à grande échelle que lorsqu’ils seront assurés de son innocuité et de son efficacité. « Il y a une différence énorme entre le fait que la Russie diffuse le vaccin à l’intérieur de ses frontières, ce qu’elle est en droit de faire, et son approbation au niveau international ou une préqualification par l’ « OMS », a-t-il dit. (…). Talha Khan Burki, et al, dans The Lancet Respiratory Medicine, publication en ligne en avant-première, 4 septembre 2020
*ajout de l'éditeur du présent post de blog
Source iconographique, légendaire et rédactionnelle :
The Lancet Online / Traduction et
adaptation : NZ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire